Produits locaux et restauration collective : un équilibre entre ambition territoriale et cadre juridique
L’intégration de produits locaux dans la restauration collective est devenue une priorité pour de nombreuses collectivités. Soutenir les filières agricoles de proximité tout en respectant la réglementation de la commande publique demeure cependant un exercice complexe.
Les lois EGAlim et Climat et Résilience ont fixé un cadre ambitieux pour une alimentation durable, mais beaucoup de communes, en particulier rurales, peinent à concilier ambition locale et contraintes juridiques.
🟢 Et si la commande publique devenait plus souple pour les produits locaux ?
Les collectivités veulent soutenir les agriculteurs de leur territoire, mais la règlementation de la commande publique interdit toute préférence géographique.
Entre volonté politique et contraintes juridiques, la question d’un assouplissement ciblé du cadre actuel revient dans le débat, comme l’a récemment évoqué le Sénat.
Cet article fait le point sur les leviers déjà existants — sourcing, allotissement, critères environnementaux, projets alimentaires territoriaux — et sur les perspectives d’évolution vers une commande publique plus ouverte aux circuits courts.
Une volonté partagée : qualité, proximité et durabilité
Les attentes des collectivités et des citoyens convergent : offrir dans les cantines scolaires, les crèches ou les établissements médico-sociaux des repas de qualité, durables et traçables.
La logique de circuit court séduit de plus en plus, répondant à une double ambition : soutenir les producteurs du territoire et réduire l’impact environnemental de la restauration collective.
Les projets alimentaires territoriaux (PAT) incarnent cette approche locale et collaborative.
Mais sur le terrain, la mise en œuvre se heurte à des difficultés réelles : procédures lourdes, seuils de marchés contraignants, manque d’accompagnement des exploitants agricoles. Ces freins limitent encore la part des produits de proximité dans les repas servis chaque jour.
Un cadre juridique qui interdit toute préférence locale
Le Code de la commande publique (CCP) interdit toute forme de préférence territoriale. Les principes constitutionnels — liberté d’accès, égalité de traitement et transparence — imposent une stricte neutralité dans la rédaction des marchés.
Un acheteur public ne peut donc pas exiger que les produits proviennent d’exploitations locales, sous peine de contrevenir à la législation européenne.
Cette règle, destinée à garantir la libre concurrence, crée néanmoins une tension entre ouverture du marché et soutien aux filières de proximité.
Il est souvent plus simple, juridiquement et administrativement, d’acheter des produits standardisés venus de loin que de contracter avec des producteurs du territoire.
Des outils concrets pour favoriser les circuits courts
Si le localisme est prohibé, plusieurs leviers permettent d’encourager les approvisionnements de proximité dans le respect du droit.
Le sourçage
Le sourcing fournisseur constitue un outil clé pour préparer le marché. Il permet d’identifier les producteurs locaux, de comprendre leurs contraintes logistiques et de rédiger un cahier des charges réaliste.
Cette étape de dialogue, prévue par le Code, favorise une meilleure connaissance du tissu économique local.
➡ Pour approfondir le sujet, consultez notre page sur le sourcing fournisseurs.
L’allotissement
Diviser un marché en plusieurs lots thématiques — par type de produit ou par famille alimentaire — facilite la participation des petites exploitations agricoles. L’allotissement rend la commande publique plus accessible et limite le risque de dépendance à un fournisseur unique.
Les critères environnementaux
Les critères d’attribution fondés sur les performances environnementales ou le développement des approvisionnements directs offrent un levier indirect pour valoriser la proximité.
Un acheteur peut ainsi pondérer fortement la note liée à la réduction des distances de transport ou à la traçabilité des produits, sans jamais évoquer de critère géographique.
Les apports des lois EGAlim et Climat et Résilience
La loi EGAlim (2018) a introduit l’obligation d’atteindre 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % biologiques, dans les repas servis par la restauration collective publique.
La loi Climat et Résilience (2021) est venue renforcer ces objectifs :
- 60 % de viandes et poissons durables (100 % pour les restaurants collectifs de l’État) ;
- extension du périmètre à tous les restaurants collectifs, publics et privés.
Elle a également introduit une nouvelle catégorie de produits « EGAlim » : ceux dont l’achat repose sur les performances environnementales et le développement des approvisionnements directs.
Cette ouverture permet de compter les produits locaux dans les objectifs EGAlim dès lors qu’ils répondent à ces critères, sans enfreindre le Code de la commande publique.
Les projets alimentaires territoriaux : un outil structurant
Les projets alimentaires territoriaux (PAT), inscrits à l’article L. 111-2-2 du Code rural, rapprochent les acteurs du territoire : producteurs, transformateurs, distributeurs et collectivités.
Ils permettent :
- d’accompagner les agriculteurs pour répondre aux appels d’offres ;
- d’aider les acheteurs à rédiger des cahiers des charges adaptés ;
- et de renforcer la cohérence territoriale entre l’offre et la demande.
Plus de 450 PAT sont aujourd’hui reconnus ou en développement en France. Ils constituent un levier concret de structuration et d’expérimentation pour une restauration collective plus locale.
Un possible assouplissement du Code de la commande publique ?
Face à la complexité du cadre actuel, plusieurs parlementaires, dont Mme Pauline Martin (Loiret), ont récemment interrogé le Gouvernement sur la possibilité d’un assouplissement ciblé des règles d’achat public.
L’idée : permettre aux collectivités de mieux intégrer les produits locaux sans compromettre les principes de concurrence.
Le ministère de l’Agriculture a confirmé que le localisme reste interdit, mais a ouvert la porte à une réflexion sur des outils complémentaires ou des clauses adaptées, notamment dans le cadre des travaux du Conseil national de la restauration collective (CNRC).
Un clausier national est en préparation pour aider les acheteurs à sécuriser juridiquement leurs démarches.
Ces évolutions pourraient marquer une nouvelle étape vers une commande publique plus souple et plus territoriale.
Une restauration collective au service des territoires
La commande publique n’est pas un frein au développement des circuits courts, à condition de savoir mobiliser les bons leviers.
Entre cadre juridique strict et volonté politique forte, la clé réside dans une meilleure compréhension des outils existants et un accompagnement renforcé des acheteurs publics.
Les collectivités disposent aujourd’hui de moyens pour agir : sourcing, allotissement, critères environnementaux et PAT.
Mais la perspective d’un assouplissement du Code pourrait, à terme, permettre une articulation plus fluide entre ambition locale et conformité réglementaire.
